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Accords commerciaux avec le Maroc relatifs aux produits agricoles et aux produits de la pêche



La Cour de Justice de l’Union européenne a rendu deux arrêts le 4 octobre 2024 dans lesquels elle confirme l’annulation des décisions des institutions européennes concernant la conclusion de deux accords commerciaux avec le Maroc relatifs aux produits agricoles et aux produits de la pêche. Elle met ainsi fin - provisoirement - à une saga judiciaire commencée en 2012 qui oppose le Front Polisario, d’une part, à la Commission européenne et au Conseil de l’UE, d’autre part.


Principales conséquences

1. Effets juridiques / normatifs
• Nullité des actes litigieux
La CJUE a annulé les décisions de la Commission et du Conseil de l’UE qui étendaient les préférences tarifaires à des produits issus du Sahara occidental sans le consentement du peuple sahraoui. Médias24
Cela signifie que ces décisions sont considérées comme n’ayant jamais dû produire d’effets (ou du moins sont juridiquement inefficaces) dans le cadre qu’elles avaient outrepassé.
• Maintien transitoire pour raisons de sécurité juridique
Pour l’accord agricole, la CJUE a accordé un sursis d’un an avant l’effet de l’annulation, afin de limiter les perturbations économiques immédiates et de préserver la stabilité des échanges. Le Club des Juristes
Cette mesure vise à donner le temps aux institutions (Commission, Conseil, États membres) de réagir et d’adapter les textes concernés.
• Rigidité accrue sur le respect des principes de droit international
La décision renforce l’idée que toute extension d’accords à des territoires contestés (ou des populations concernées) doit respecter les principes de consentement, d’autodétermination, et de non-effet sur des tiers. En l’espèce, la Cour souligne que les populations locales du Sahara occidental (le peuple sahraoui) devaient avoir leur mot à dire, ce qui n’a pas été le cas de façon satisfaisante. Maroc Hebdo
• Obligation de réviser ou remplacer les accords désormais invalidés
L’UE et ses États membres devront concevoir de nouveaux textes ou amender les anciens pour les rendre conformes à la jurisprudence, notamment en veillant à obtenir un consentement effectif ou à démontrer qu’un « avantage concret, substantiel et vérifiable » bénéficie aux populations concernées. Euractiv

2. Effets économiques et commerciaux
• Perturbation ou remise en cause de flux commerciaux
L’annulation fait peser une incertitude sur la validité des échanges de produits agricoles et de pêche originaires des provinces du Sud marocain (Sahara occidental). Certains importateurs, distributeurs ou douanes pourraient réclamer des pièces d’origine plus strictes ou suspendre les échanges jusqu’à clarification.
• Impact sur des producteurs / exportateurs
Les producteurs marocains, notamment dans les provinces du Sud, pourraient perdre un accès préférentiel au marché européen si les nouveaux textes ne les incluent pas ou s’ils doivent répondre à des conditions plus exigeantes (étiquetage spécifique, vérification indépendante, etc.). Jeune Afrique aborde ces risques dans son analyse. Jeune Afrique
• Coûts de mise en conformité et d’adaptation
Les entreprises devront peut-être adapter leurs chaînes logistiques, leurs certificats d’origine, leur étiquetage des produits (mention du Sahara occidental, etc.). Un nouveau régime douanier ou fiscal plus complexe pourrait apparaître. Le Desk
• Risque d’éviction de certains opérateurs
Dans un contexte d’incertitude juridique, certains opérateurs pourraient être dissuadés d’investir ou de s’engager dans des relations commerciales dans ces zones, par crainte de litiges ou de mauvaises surprises. (Certaines analyses relèvent cette « frilosité » potentielle.) Maroc Hebdo

3. Effets diplomatiques, politiques, géostratégiques
• Renforcement de la légitimité du Front Polisario / défense de la cause sahraouie
Le jugement donne un coup de force juridique à la revendication du peuple sahraoui, en lui reconnaissant un droit de contestation des accords qui affectent directement son territoire. Le Desk
• Pression diplomatique sur l’UE et ses États membres
L’UE est désormais contrainte de s’expliquer, de réagir publiquement et de réajuster ses politiques vis-à-vis du Maroc dans un cadre plus respectueux du droit international. Certains États membres pourraient être amenés à réévaluer leur soutien ou leur diplomatie vis-à-vis du dossier saharien.
• Tension avec le Maroc
Le Maroc conteste fréquemment toute distinction juridiquement reconnue entre le Sahara occidental et le reste de son territoire, arguant de son unité territoriale. L’obligation de distinguer ou de traiter différemment les produits issus du Sahara est perçue comme une atteinte à sa souveraineté. enerlex-avocat.fr
Le gouvernement marocain a déjà indiqué vouloir un nouvel accord couvrant tout le territoire et ne tolérant pas de distinction territoriale. Le Desk
• Reconfiguration du partenariat UE–Maroc
Pour préserver les relations stratégiques (sécurité, migration, développement, commerce), l’UE pourrait chercher des compromis juridiques (nouvel accord, mécanismes de supervision, étiquetage différencié) pour maintenir sa coopération sans violer les arrêts de la Cour. enerlex-avocat
Le Maroc lui-même annonce qu’un nouvel accord agricole est en cours de négociation, avec des dispositions d’étiquetage pour les produits des provinces du Sud. Le Desk
• Implications pour l’image européenne et sa crédibilité juridique

L’UE est amenée à montrer qu’elle respecte ses propres normes et la primauté du droit (notamment la jurisprudence de la CJUE). Cet arrêt souligne les risques de contradictions entre politique extérieure, décisions stratégiques et contraintes juridiques internes.

Limites et éléments à nuancer
• Le protocole de pêche était déjà expiré
L’accord de pêche visé était arrivé à expiration en juillet 2023, de sorte que l’annulation ne produit pas d’effet direct — il n’était plus en vigueur lorsque la CJUE a statué. enerlex-avocat.fr
• Possibilité de nouveaux textes adaptés
La Cour n’exclut pas la possibilité qu’un accord puisse être appliqué au Sahara occidental si les conditions de consentement et de bénéfice concret sont remplies. Elle propose des critères (avantage “précis, concret, substantiel et vérifiable”) pour que l’extension soit justifiée. Le Club des Juristes
Autrement dit, l’annulation ne condamne pas à jamais l’idée d’un accord général, mais impose des conditions strictes.
• Temps de latence et marge de manœuvre politique
Le sursis (report de l’effet de l’annulation) et la diplomatie permettent à l’UE et au Maroc de négocier des compromis dans un délai aménagé pour atténuer les perturbations. Le Desk
• Complexité de l’identification du “peuple sahraoui”
La Cour rappelle que toute consultation doit porter sur le peuple sahraoui — or, une grande partie vit en exil, et les consultations locales seules ne suffisent pas. Cela rend la mise en œuvre du consentement effectif très difficile à opérer dans la pratique.

Les points positifs pour le Maroc

1 Accès privilégié au marché européen
◦ L’UE est le premier partenaire commercial du Maroc (plus de 60 % de ses échanges).
◦ Les accords donnent des préférences tarifaires : réduction ou suppression de droits de douane sur les fruits, légumes, agrumes, huile d’olive, poissons, etc.
◦ Cela soutient directement les exportateurs marocains, notamment dans l’agriculture et la pêche, deux secteurs clés de l’économie.
2 Stabilité et visibilité pour les investisseurs
◦ Les accords créent un cadre juridique clair qui rassure les investisseurs étrangers (espagnols, français, néerlandais notamment).
◦ Cela attire des capitaux, modernise les chaînes de production et stimule l’emploi, surtout dans les régions rurales et côtières.
3 Renforcement du partenariat stratégique avec l’UE
◦ Au-delà du commerce, ces accords consolident la relation Maroc–UE dans d’autres domaines : énergie (interconnexions, renouvelables), migration, sécurité.
◦ Ils donnent au Maroc un statut de partenaire “privilégié” en Méditerranée.
4 Valorisation de la position géographique du Maroc
◦ Le Maroc devient un hub agroalimentaire et logistique entre l’Afrique et l’Europe.
◦ Cela permet au pays de diversifier ses débouchés et d’améliorer sa balance commerciale.
Les limites et risques
1 La question du Sahara occidental
◦ Les accords appliqués aux provinces du Sud créent un risque juridique et politique (comme la CJUE l’a rappelé).
◦ Cela fragilise la sécurité des échanges : certains importateurs craignent des recours, ce qui peut limiter les exportations.
2 Dépendance vis-à-vis de l’UE
◦ Plus de la moitié des exportations marocaines vont vers l’Europe.
◦ Cette dépendance rend le Maroc vulnérable aux changements de réglementation européenne (quotas, normes sanitaires, durabilité environnementale).
3 Compétitivité et concurrence
◦ Les producteurs marocains doivent sans cesse améliorer qualité et traçabilité pour rester compétitifs.
◦ Certains secteurs (tomates, agrumes, pêche) sont surveillés de près par les producteurs européens qui dénoncent parfois une concurrence “déloyale”.
4 Image diplomatique
◦ Le Maroc insiste sur son intégrité territoriale, mais doit composer avec les exigences juridiques européennes.